Chronique littéraire de Pierre Glenat, auteur et scénariste

14 octobre 2023

pierreglenat

Alain Arnaud - le crime de l'Express côtier
Collection Rouge aux Éditions ExAequo

« Dans le comté de Finnmark, un bus circule… il se hisse vers l'aéroport de Kirkenes. Pour ses passagers, terme d'un long voyage maritime sur l'échine rugueuse de la Norvège, pays aux fjords − cicatrices jamais refermées.

Fourbue de fatigue, Mina s'appuie sur l'épaule de son fils Serge.

L'express côtier relie Bergen à ce terminus… 2 000 kilomètres de navigation à travers les fjords et la mer de Barents, paysages de rêve enchâssés dans la démesure.

Le bus frôle la frontière russe, à portée de Murmansk. La vision de Mina se brouille. Il lui semble voir de nouveau des chars russes, comme en Lituanie lorsqu'elle était enfant, comme à Prague plus tard ou encore à Kaliningrad. »

Le décor planté, nous voici immergés dans le septième opus d'Alain Arnaud. Sa prose est fluide, les sensations poétiques aériennes et légères, l'émotion affleure déjà.

Soudain le message du guide norvégien Ludvik ; à cet instant le destin bascule :

« Lars Christiansen a été assassiné à coups de couteau dans sa cabine pendant la nuit. La police enquête. »

Un indice : ce voyageur inquiétant aperçu la veille par Angèle ?

« Il était allé leur chercher un cocktail au bar et s'était esquivé, serrant dans la poche de son veston la fiole d'arsenic qu'il porte toujours sur lui, tout comme les femmes se rassurent avec une bombe lacrymogène au fond de leur sac. »

Oui mais l'arsenic n'est pas le couteau !

Alors plutôt cette femme ?

« Les derniers jours, une dame en manteau vert et lunettes noires l'avait intrigué. Elle semblait figée dans le salon à la proue du navire, plongée dans un livre sans en tourner les pages. Était-ce une posture d'observation ? Un alibi pour détourner l'attention ? »

Mais l'avion les emporte désormais vers Oslo. Pourtant l'enquête ne donnera rien.

Et déjà l'été 2022 à Paris, Serge le fils de Mina se promène en bord de Seine et Daphné, l'auxiliaire de vie de sa mère, le rejoint pour lui montrer cet article paru dans le quotidien norvégien Aftenposten :

« Sur le navire de croisière habituellement sans histoire, la victime est Lars Christiansen originaire d'Oslo, tué par trois coups de couteau au niveau du cœur… a priori l'œuvre d'un professionnel… Lars, après des études de commerce à Oslo puis un passage par la case Trader, s'était spécialisé dans les monnaies virtuelles et les diamants. Il serait alors parti aux Bermudes ou aux Bahamas, des paradis fiscaux où l'on perd sa trace. Une connaissance indique même qu'il aurait même changé de nom… Il serait revenu à Oslo et avait commencé une formation de pilote de bateau. L'assassinat ciblé présente toutes les caractéristiques d'un acte prémédité, peut-être d'une vengeance. La police s'intéresse aux passagers de plusieurs nationalités présents sur l'express côtier, ce qui complique l'enquête… »

Ses activités sulfureuses auraient-elles un lien avec sa mort ?

Rebondissement, la police va interroger la belle Angèle entrevue avec le norvégien devant quelques cocktails, peu de temps avant qu'il soit assassiné. Si elle est la dernière personne à l'avoir vu vivant, elle pourrait faire l'objet de sérieux soupçons…

Ses empreintes sont retrouvées dans la cabine de Lars, mais Angèle ne se souvient de rien, elle avait bu trop de champagne. Pourtant elle repart libre après l'interrogatoire de la police, il lui faut maintenant convaincre son mari Diego.

Écriture à la fois aérienne subtile et sensuelle d'Alain Arnaud, on pourrait presque dire universelle tant il sait alterner les styles, célébrer la poésie-la magie de ces paysages nordiques – capter les nuances les circonvolutions d'une vie au travers du non verbal, essences de parfum de gestes oubliés mais révélateurs : puissance du non-dit si grande, le silence est d'Or dit-on…

Sinon le challenge à discerner « Le véritable sens d'une parole, parfois mal formulée, mais que le corps précise » à chacun sa vérité.

J'ai connu les livres d'Alain Arnaud par son roman « La Braconnière » : cet opus m'avait séduit par son style épuré et élégant, proche de la nature et puissant par son analyse des sentiments.

J'ai retrouvé cette veine dans «  le crime de l'Express côtier » et je trouve que son écriture a évolué vers ce style universaliste qui lui fait embrasser les émotions de notre condition humaine avec une intensité rare, un peu à la manière d'un James Joyce ou d'un Scott Fitzgerald.

Ainsi je recommande vivement son livre, car Alain Arnaud, de mon point de vue, gagne à être connu et reconnu ; d'autant que vous le constaterez en lisant son thriller : il sait préserver le suspense jusqu'à l'ultime seconde, apanage des grands auteurs.

Enjoy !
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